La descente aux enfers a été progressive. D’abord quelques soirées qui s’éternisent, puis des week-ends entiers perdus, et enfin, ma vie tout entière happée par ce gouffre sans fond. L’addiction s’est installée sournoisement, me dépouillant peu à peu de tout ce qui faisait de moi un être digne : mon travail, mes relations, mon estime personnelle.
Le jour où j’ai touché le fond
Je me souviens encore de ce matin où je me suis réveillé sur le sol de mon appartement, entouré des vestiges de ma nuit chaotique. Mon téléphone affichait douze appels manqués de mon employeur. J’avais manqué une réunion cruciale. Encore une fois. À côté de moi, mon portefeuille vide témoignait des sommes englouties la veille dans des jeux qui avaient pris le contrôle de ma vie. Ce jour-là, face au miroir, je n’ai pas reconnu l’homme aux yeux creux qui me fixait.

L’illusion du contrôle
Comme beaucoup, j’ai longtemps cru que je maîtrisais la situation. “Je peux arrêter quand je veux”, me répétais-je. Cette phrase, véritable mantra des personnes dépendantes, illustre parfaitement les idées reçues sur les addictions qui nous maintiennent prisonniers. La vérité, c’est que l’addiction avait tissé sa toile bien avant que je ne prenne conscience de son emprise.
Le chemin vers la reconstruction
La première étape fut d’admettre mon impuissance face à cette force qui me dépassait. Non, je n’étais pas faible. J’étais malade. Cette prise de conscience m’a permis de demander de l’aide sans honte.
Le parcours de guérison n’a pas été linéaire. Il y a eu des rechutes, des moments de doute intense. Je me souviens particulièrement de cette période où, après trois mois d’abstinence, j’ai cédé à nouveau. La culpabilité était écrasante. Mais j’ai appris que la rechute fait partie du processus, qu’elle n’efface pas les progrès accomplis.
Reconstruire des fondations solides
La thérapie m’a aidé à identifier les traumatismes sous-jacents qui alimentaient mon addiction. J’ai découvert que ma dépendance n’était que la partie visible d’un iceberg émotionnel bien plus profond. Les groupes de parole m’ont fait comprendre que je n’étais pas seul dans cette bataille, que d’autres traversaient les mêmes épreuves.
J’ai également appris l’importance de repérer les signes précoces d’addiction, ces signaux d’alarme que j’avais ignorés pendant tant d’années. Cette connaissance est aujourd’hui précieuse, non seulement pour moi, mais aussi pour aider mes proches à rester vigilants.
La dignité retrouvée
Aujourd’hui, deux ans après avoir entamé mon chemin vers la sobriété, je peux affirmer que j’ai retrouvé ma dignité. Elle réside dans ces petites victoires quotidiennes : me lever chaque matin avec un but, regarder les gens dans les yeux sans honte, tenir mes engagements.
Ma dignité, je l’ai retrouvée dans la sincérité de mes relations, dans la confiance lentement regagnée de mes proches, et surtout, dans ce respect de moi-même que je croyais à jamais perdu.
Un combat de chaque jour
Je ne prétends pas avoir vaincu définitivement mes démons. L’addiction reste tapie dans l’ombre, prête à resurgir dans les moments de vulnérabilité. Mais aujourd’hui, je possède les outils pour lui faire face. Je sais reconnaître les situations à risque et les éviter. J’ai appris à demander de l’aide avant que la spirale ne s’enclenche à nouveau.
La sobriété n’est pas une destination, mais un voyage quotidien. Chaque jour sans céder est une victoire qui renforce ma dignité retrouvée. Et si mon témoignage peut éclairer le chemin de quelqu’un d’autre prisonnier de l’addiction, alors ma propre expérience prend encore plus de sens.
Si vous ou l’un de vos proches luttez contre une addiction, sachez que vous n’êtes pas seul. Pour plus d’informations et de ressources, rendez-vous sur addictions.ma – parfois, il suffit d’un premier pas pour retrouver son chemin.
Auteur : Pr El Hamaoui